Bellya SEKPON | 10/10/2016
Résumé des interviews de Monsieur Paul Sahgui, maire de la commune de Tanguiéta (assisté par le Chef Service Planification et Développement Local de la commune, Monsieur Feysal Pogo), du 2ième adjoint au Maire de Cobly, Monsieur Yves Kaucley et de Monsieur Sorikoua Sambiéni, Maire de la commune de Matéri.La malnutrition, un problème global dans les communes de Matéri, Tanguiéta et CoblySelon les personnes interviewées, la malnutrition est un problème général dans les trois communes de Matéri, Tanguiéta et Cobly. Son taux varie entre 30% et 44%, selon les mairies concernées. Ce sont surtout les zones rurales qui sont les plus touchées, les zones urbaines étant plus ou moins préservées. Dans les zones rurales, les effets de la malnutrition sont criants et décelables à l’œil nu chez les enfants de 0 à 5 ans. Plusieurs causes sont relevées par les responsables des communes pour expliquer la malnutrition dans leurs localités. A Matéri, par exemple, le Maire insiste sur le fait que « malgré la disponibilité des produits riches en protéines et autres nutriments indispensables à une bonne santé, les populations continuent de faire face à la malnutrition parce qu’elles ne se nourrissent pas selon les normes alimentaires. C’est plus une question de prise de conscience et d’habitude alimentaire au fil des générations qui fait que cet état de choses perdure ». Monsieur Sambiéni insiste aussi sur les habitudes sanitaires qui ne sont pas adaptées pour favoriser une bonne nutrition. Ainsi, les populations se rendent à l’hôpital uniquement quand elles sont malades et ne procèdent à aucun déparasitage ou autre suivi sanitaire de prévention. Pour le Maire de Tanguiéta et son collaborateur, leur commune fait face à un grave problème de malnutrition du fait de l’indisponibilité de terres cultivables dans certaines de leurs localités : « Quand on prend le village de Tanongou et Cotiakou où le relief est rude, montagneux et très accidenté, il n’y a pas suffisamment de terres cultivables et le problème de malnutrition s’y pose en terme de disponibilité et en termes d’accessibilité. » affirment – ils. Les Maires de Tanguiéta, Matéri, et Cobly expliquent aussi la malnutrition dans leurs communes par le fait que « les parents, lorsqu’ils produisent, bradent les produits au lieu de les utiliser pour nourrir leur famille et particulièrement les enfants ». Dans sa démarche pour faire face à ce dernier facteur déterminant Monsieur le Maire de Tanguiéta est entrain de prendre des mesures pour « sensibiliser les populations sur le fait qu’à la production, il y a une part qui doit être réservée pour la vente et l’autre, la plus grande partie, pour la consommation et doit suffire pour toute l’année. »Mais de l’avis général, un autre facteur, insoupçonnable et pourtant bien réel, affecte directement ou indirectement, la nutrition chez les petits et les adultes dans les communes de Matéri, Cobly et Tanguiéta. Il s’agit de l’alcoolisme. L’alcoolisme, facteur favorisant la malnutrition chez les enfants et les adultesPour étayer cette affirmation des autorités interviewées, le 2ième adjoint au maire de Cobly, monsieur Yves Kaucley, évoque l’étude réalisée par le directeur de l’Hôpital Saint Jean de Dieu de Tanguiéta, dans laquelle ce dernier tire la sonnette d’alarme en estimant que si rien n’est fait d’ici 10 ans, la jeunesse des trois municipalités sera détruite par l’alcool et donc incapable de contribuer à la production agricole locale. Monsieur Kaucley s’appuie également sur des mémoires d’étudiants portant sur l’alcool et ses effets négatifs dans les communes concernées. Pour lui « chez les adultes, la malnutrition est liée à la consommation d’alcool frelaté dans nos régions, surtout le SODABI que les femmes fabriquent sur place et dont on ne sait avec quel produit il est fabriqué. La population en consomme beaucoup. On peut parler de malnutrition parce que la personne qui s’adonne à ces boissons n’arrive plus à manger correctement et investit tout son argent dans l’achat de boissons alcoolisées frelatées ».Monsieur Sambiéni, Maire de Matéri, insiste quant à lui sur l’impact de ces boissons sur les enfants : « Vous verrez par exemple une dame censée préparer à manger et qui n’arrive pas à le faire, à cause de la consommation excessive d’alcool. Ce qui fait que les enfants ne mangent pas à temps ou pas du tout, parce que leur mère est saoule. Ou vous pouvez voir le père qui vend une partie de ses récoltes pour prendre de l’alcool, ce qui fait que la famille se retrouve sans aliments ».Monsieur Yves Kaucley décrit la situation comme très alarmante et préjudiciable à la lutte contre la malnutrition dans les communes de Matéri, Tanguiéta et Cobly : « Aujourd’hui, si on n’arrête pas ce phénomène de consommation excessive d’alcool frelaté, on aura la volonté de promouvoir la sécurité alimentaire mais on n’aura même plus de bras valides pour intervenir dans les champs afin que la production soit massive ».Face à cette menace, les Maires des trois communes ont décidé mutualiser leurs efforts pour lutter contre ce fléau, car, en allant en rangs dispersés, ils se retrouvent confrontés à de nombreuses difficultés, comme le souligne le 2ième adjoint au maire de Cobly : « On a vraiment à cœur ce problème. Mais face à certains paramètres, chaque Maire pris séparément se retrouve dans l’incapacité d’arrêter ce fléau. Nous nous sommes joints aux Maires de Matéri et de Tanguiéta pour mener la lutte ensemble. Parce qu’aujourd’hui, ces dames [fabricantes de boissons frelatées] ont des maisons dans la localité mais personne n’a accès à ces maisons. Et au jour le jour, elles continuent de produire ces boissons ».Le Programme AMSANA, un programme de qualité pour lequel tous les Maires sont engagésPour le Maire de Matéri, AMSANA leur a permis de « prendre conscience du fait que la sécurité alimentaire et nutritionnelle est une question importante, de l’intégrer dans notre jargon et dans nos politiques. ». Le maire de Tanguiéta souligne aussi comme force du programme le fait que « AMSANA a choisi comme porte d’entrée la commune. Donc tout passe par la commune qui doit jouer un rôle de coordination et de suivi des activités sur le terrain ». Quant au 2ième adjoint au maire de Cobly, il estime que « si ce que déclare AMSANA sur le plan théorique, le programme le met effectivement en pratique, il ne faudra même pas attendre la fin des quatre ans d’exécution pour obtenir des résultats concrets ».Les Maires démontrent donc un grand intérêt pour le Programme auquel ils ont été associés dès les premières phases. Et pour l’accompagner, ils se disent prêts à intégrer la Sécurité Alimentaire et Nutritionnelle dans les prochains Plans de Développement Communaux (PDC). Ils sont conscients qu’il y va d’abord et avant tout de l’intérêt de leurs administrés, des populations dont ils ont la charge. Comme le dit si bien le Maire de Matéri, qui résume l’avis général des Maires impliqués dans le Programme AMSANA, « notre rôle c’est d’abord de prendre en compte les aspects de la Sécurité Alimentaire et Nutritionnelle dans nos politiques et documents de planification et d’accorder les ressources qu’il faut pour mener à bien cela. Car le rôle de la mairie n’est pas juste de construire des infrastructures mais aussi de faire en sorte que la population mange à sa faim et qu’elle puisse améliorer ses revenus pour réaliser le développement ».Il ne reste donc plus qu’à formuler, comme le Maire de Tanguiéta, le vœu que « tous les acteurs impliqués dans la mise en œuvre du programme réalisent le rôle central de la Mairie dans le programme, pour que d’ici 20 ans, le relai soit vraiment assuré. Parce que nous parlons de pérennisation des acquis. C’est vrai que le programme n’est là que pour cinq ans, mais la commune, elle est toujours là ».
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