Gracia DUNIA MENHEE | 16/03/2023
Alors que des actes de violences basées sur le genre commencent
à être dénoncés par des femmes dans plusieurs ménages de la ville de Kinshasa, notamment
dans la Commune de Limete, les personnes sourdes ou malentendantes quant à elles,
envisagent rarement des actions de dénonciation des actes de violences dont
elles sont victimes. Leur situation d’handicap constitue un obstacle à l’accès
à l’information et à la communication avec des conséquences négatives sur la
qualité de leur bien-être et des relations sociales. Ce qui fait d’elles des
personnes vulnérables à même de subir des violences de tout genre y compris des
violences sexuelles.Les personnes malentendantes constituent en RDC une
minorité régulièrement exclue des activités communautaires, en raison de la
méconnaissance du langage des signes utilisé par cette frange de la population
pour communiquer. Peu scolarisées, avec un faible accès aux métiers et dans une
grande précarité économique, elles sont fortement stigmatisées et
particulièrement exposées aux pratiques sexuelles à risque. Il en résulte
un faible accès à l’information sur l’importance de dénoncer et de la prise en
charge des cas des violences basées sur le genre, particulièrement sur les
violences sexuelles.Dans le cadre de la célébration de la Journée
Internationale de la Femme, le Programme de Lutte contre les Violences Sexuelles
d’Enabel (PLVS) est venu en appui à l’ONGD Soleil Levant à travers une grande
activité de sensibilisation sur la lutte contre les violences sexuelles à
l’intention de cette catégorie spécifique de femmes. Soleil Levant est
une organisation locale très active dans les domaines du Genre, de
l’agropastoral, de l’action sociale et de la santé communautaire en faveur des
associations de femmes œuvrant à Kinshasa. Cette ONGD accompagne depuis 2015 des
associations de femmes en les orientant vers l’entrepreneuriat pour leur
autonomisation et prend en charge des malentendantes à qui elle apprend
différents métiers pour qu’elles deviennent utiles dans la société. Près de 90 jeunes filles et femmes malentendantes ont
pris part à cette séance de sensibilisation qui visait notamment à informer les
participantes sur les différentes formes de violences basées sur le genre, sur l’importance
de la dénonciation des cas de violences sexuelles dans leur milieu et sur les
structures de prise en charge des victimes de violences sexuelles dans la
Commune de Limete. Réunies au siège social de Soleil Levant à Kingabwa,
ces femmes et jeunes filles ont profité de cette opportunité offerte par Enabel
pour également exprimer à travers quelques témoignages, les stigmatisations
dont elles sont victimes dans les communautés, l’exploitation et les pratiques
sexuelles à risque auxquelles elles font face au quotidien. Une plus grande
vulnérabilité
« Les
femmes malentendantes sont deux à trois fois plus susceptibles de faire l’objet
de violences physiques, psychologiques et sexuelles que toutes les autres
femmes en général » a déclaré Madame Elysée SIONA KWA NZAMBI, Présidente
nationale de Soleil Levant. Elle a relevé le fait que la femme
malentendante fait partie d’une catégorie particulière avec une double
vulnérabilité. « Elle est stigmatisée et discriminée par la communauté et
souvent par l’État qui se désintéressent de sa situation », a-t-elle
ajouté. Cette situation fait que la survivante femme malentendante reste
en marge de la plupart des programmes de sensibilisation sur les violences
sexuelles et de prise en charge médicale dont elle peut bénéficier et reste fortement
exposée aux violences sexuelles. Madame SIONA a particulièrement épinglé
l’accès limité à l’information sur la prévention des violences sexuelles. Pour elle,
la principale vulnérabilité de ces femmes est l’absence d’un outil de prévention visuelle
des violences sexuelles adaptée en langue des signes. « La prise en compte de la
situation des malentendantes et la mise en place d’interventions de prévention
des violences sexuelles adaptées à cette cible est une réelle urgence et nécessite une attention
particulière. », a-t-elle insisté. Les
conséquences qui résultent de ce manque d’information pourraient donc être
dramatiques pour elles.Sensibilisation sur les
VBG Intervenant sur les questions de prévention des violences
sexuelles, Madame Francine SHAKO, Experte nationale en Prévention et prise en
charge des VBG du PLVS/Enabel a brièvement parlé de l’intervention d’Enabel
dans la Commune de Limete à travers le projet PLVS et a appelé les
participantes à être vigilantes sur les questions des violences basées sur le
genre. Le fait notamment de connaitre parfois des difficultés à trouver un partenaire ou à être indépendante, ne doit pas
être un facteur pour admettre des abus sexuels. « Soyez des femmes
fortes et courageuses. Même si le violeur est quelqu’un que vous
connaissez : un enseignant, un parent ou un membre de la famille, vous
avez le droit de dénoncer tout acte de violences sexuelles qui vous arrive dans
la communauté, sans peur de représailles, et de le dénoncer à la police et vous
rendre à l’hôpital pour les soins le plus tôt possible. »En expliquant aux participantes comment accéder aux
services de prise en charge, l’Experte en prévention et prise en charge des VBG,
a voulu encourager davantage les victimes identifiées parmi les femmes
malentendantes à demander en cas de viol des soins médicaux et psychologiques
gratuits à l’hôpital Saint-Joseph de la Commune de Limete, dans les 72 heures
après l’agression pour une prise en charge efficace.Dans son intervention, Daniella Mbuyi, animatrice de
l’AFJV (Association des Femmes et des jeunes pour la lutte contre les VBG), une
structure partenaire du PLVS, est revenue sur le bien-fondé de la dénonciation
des cas de violences sexuelles en vue de sanctionner les auteurs des viols et
bénéficier d’un accompagnement judiciaire et juridique des partenaires du PLVS.
Elle a également expliqué l’importance de tisser des liens avec les communautés
et d'impliquer différents acteurs, tels que les relais communautaires, la
police et les autorités communales. Des témoignages sur les violences sexuelles Au cours de cette sensibilisation, certaines
femmes muettes et malentendantes ont pris le courage de témoigner sur le
calvaire qu’elles vivent, sur leur vulnérabilité, sur les fréquents abus, viols
ou violences conjugales qu’elles subissent, notamment de la part de leurs maris
ou des personnes qui leur sont proches. « J’avais 15 ans quand j’ai été
violée par trois kulunas. J’ai eu d’énormes déchirures, je ne savais pas à qui
me confier ni comment me faire soigner. Étant donné que j’étais tombée
enceinte, quand mes parents l’ont su, ils m’ont rejetée. Je suis allée vivre
chez mon oncle. Et depuis lors mes parents sont décédés et mon oncle ne
s’occupe plus de moi comme il faut, je traine dans la rue avec mon
enfant » a déclaré *Jeanne, 19 ans.*« J’ai connu un viol alors que
j’étais toute petite, j’étais tombée enceinte mais après la naissance du bébé,
mes parents ont récupéré l’enfant et m’ont jetée dans la rue. Je ne fais que
mendier. Aujourd’hui, j’ai quand même eu le courage de le dire », a déclaré *Bijou,
28 ans. Outre les témoignages, ces femmes et
jeunes filles ont pris la résolution de dénoncer les cas de violences sous
toutes formes. Par ailleurs, elles ont décidé de créer un groupe WhatsApp qu’elles
vont administrer et qui sera composé uniquement des femmes muettes et
malentendantes. Ce groupe servira de cadre pour maintenir une communication et
un échange d’informations régulières entre elles en matière de lutte contre les
violences sexuelles mais surtout pour la dénonciation des cas de violences
sexuelles. Cette initiative est en lien avec le thème de la journée
internationale de la femme de cette année qui prône un monde digital et
numérique inclusif pour favoriser l’égalité des sexes. Doudou Kajangu
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