Programme Santé RDC : Programme de lutte contre la violence sexuelle (PLVS)

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En RDC, les femmes et jeunes filles malentendantes brisent le silence

  • Les femmes et jeunes filles malentendantes brisent le silence
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Alors que des actes de violences basées sur le genre commencent à être dénoncés par des femmes dans plusieurs ménages de la ville de Kinshasa, notamment dans la Commune de Limete, les personnes sourdes ou malentendantes quant à elles, envisagent rarement des actions de dénonciation des actes de violences dont elles sont victimes. Leur situation d’handicap constitue un obstacle à l’accès à l’information et à la communication avec des conséquences négatives sur la qualité de leur bien-être et des relations sociales. Ce qui fait d’elles des personnes vulnérables à même de subir des violences de tout genre y compris des violences sexuelles.

Les personnes malentendantes constituent en RDC une minorité régulièrement exclue des activités communautaires, en raison de la méconnaissance du langage des signes utilisé par cette frange de la population pour communiquer. Peu scolarisées, avec un faible accès aux métiers et dans une grande précarité économique, elles sont fortement stigmatisées et particulièrement exposées aux pratiques sexuelles à risque.  Il en résulte un faible accès à l’information sur l’importance de dénoncer et de la prise en charge des cas des violences basées sur le genre, particulièrement sur les violences sexuelles.

Dans le cadre de la célébration de la Journée Internationale de la Femme, le Programme de Lutte contre les Violences Sexuelles d’Enabel (PLVS) est venu en appui à l’ONGD Soleil Levant à travers une grande activité de sensibilisation sur la lutte contre les violences sexuelles à l’intention de cette catégorie spécifique de femmes. Soleil Levant est une organisation locale très active dans les domaines du Genre, de l’agropastoral, de l’action sociale et de la santé communautaire en faveur des associations de femmes œuvrant à Kinshasa. Cette ONGD accompagne depuis 2015 des associations de femmes en les orientant vers l’entrepreneuriat pour leur autonomisation et prend en charge des malentendantes à qui elle apprend différents métiers pour qu’elles deviennent utiles dans la société.

Près de 90 jeunes filles et femmes malentendantes ont pris part à cette séance de sensibilisation qui visait notamment à informer les participantes sur les différentes formes de violences basées sur le genre, sur l’importance de la dénonciation des cas de violences sexuelles dans leur milieu et sur les structures de prise en charge des victimes de violences sexuelles dans la Commune de Limete. Réunies au siège social de Soleil Levant à Kingabwa, ces femmes et jeunes filles ont profité de cette opportunité offerte par Enabel pour également exprimer à travers quelques témoignages, les stigmatisations dont elles sont victimes dans les communautés, l’exploitation et les pratiques sexuelles à risque auxquelles elles font face au quotidien.

 Une plus grande vulnérabilité
 
« Les femmes malentendantes sont deux à trois fois plus susceptibles de faire l’objet de violences physiques, psychologiques et sexuelles que toutes les autres femmes en général » a déclaré Madame Elysée SIONA KWA NZAMBI, Présidente nationale de Soleil Levant. Elle a relevé le fait que la femme malentendante fait partie d’une catégorie particulière avec une double vulnérabilité. « Elle est stigmatisée et discriminée par la communauté et souvent par l’État qui se désintéressent de sa situation », a-t-elle ajouté. Cette situation fait que la survivante femme malentendante reste en marge de la plupart des programmes de sensibilisation sur les violences sexuelles et de prise en charge médicale dont elle peut bénéficier et reste fortement exposée aux violences sexuelles. Madame SIONA a particulièrement épinglé l’accès limité à l’information sur la prévention des violences sexuelles. Pour elle, la principale vulnérabilité de ces femmes est l’absence d’un outil de prévention visuelle des violences sexuelles adaptée en langue des signes.

« La prise en compte de la situation des malentendantes et la mise en place d’interventions de prévention des violences sexuelles adaptées à cette cible est une réelle urgence et nécessite une attention particulière. », a-t-elle insisté. Les conséquences qui résultent de ce manque d’information pourraient donc être dramatiques pour elles.

Sensibilisation sur les VBG

Intervenant sur les questions de prévention des violences sexuelles, Madame Francine SHAKO, Experte nationale en Prévention et prise en charge des VBG du PLVS/Enabel a brièvement parlé de l’intervention d’Enabel dans la Commune de Limete à travers le projet PLVS et a appelé les participantes à être vigilantes sur les questions des violences basées sur le genre. Le fait notamment de connaitre parfois des difficultés à trouver un partenaire ou à être indépendante, ne doit pas être un facteur pour admettre des abus sexuels.

« Soyez des femmes fortes et courageuses. Même si le violeur est quelqu’un que vous connaissez : un enseignant, un parent ou un membre de la famille, vous avez le droit de dénoncer tout acte de violences sexuelles qui vous arrive dans la communauté, sans peur de représailles, et de le dénoncer à la police et vous rendre à l’hôpital pour les soins le plus tôt possible. »

En expliquant aux participantes comment accéder aux services de prise en charge, l’Experte en prévention et prise en charge des VBG, a voulu encourager davantage les victimes identifiées parmi les femmes malentendantes à demander en cas de viol des soins médicaux et psychologiques gratuits à l’hôpital Saint-Joseph de la Commune de Limete, dans les 72 heures après l’agression pour une prise en charge efficace.

Dans son intervention, Daniella Mbuyi, animatrice de l’AFJV (Association des Femmes et des jeunes pour la lutte contre les VBG), une structure partenaire du PLVS, est revenue sur le bien-fondé de la dénonciation des cas de violences sexuelles en vue de sanctionner les auteurs des viols et bénéficier d’un accompagnement judiciaire et juridique des partenaires du PLVS. Elle a également expliqué l’importance de tisser des liens avec les communautés et d'impliquer différents acteurs, tels que les relais communautaires, la police et les autorités communales.

Des témoignages sur les violences sexuelles

Au cours de cette sensibilisation, certaines femmes muettes et malentendantes ont pris le courage de témoigner sur le calvaire qu’elles vivent, sur leur vulnérabilité, sur les fréquents abus, viols ou violences conjugales qu’elles subissent, notamment de la part de leurs maris ou des personnes qui leur sont proches.

« J’avais 15 ans quand j’ai été violée par trois kulunas. J’ai eu d’énormes déchirures, je ne savais pas à qui me confier ni comment me faire soigner. Étant donné que j’étais tombée enceinte, quand mes parents l’ont su, ils m’ont rejetée. Je suis allée vivre chez mon oncle. Et depuis lors mes parents sont décédés et mon oncle ne s’occupe plus de moi comme il faut, je traine dans la rue avec mon enfant » a déclaré *Jeanne, 19 ans.*

« J’ai connu un viol alors que j’étais toute petite, j’étais tombée enceinte mais après la naissance du bébé, mes parents ont récupéré l’enfant et m’ont jetée dans la rue. Je ne fais que mendier. Aujourd’hui, j’ai quand même eu le courage de le dire », a déclaré *Bijou, 28 ans.

Outre les témoignages, ces femmes et jeunes filles ont pris la résolution de dénoncer les cas de violences sous toutes formes. Par ailleurs, elles ont décidé de créer un groupe WhatsApp qu’elles vont administrer et qui sera composé uniquement des femmes muettes et malentendantes. Ce groupe servira de cadre pour maintenir une communication et un échange d’informations régulières entre elles en matière de lutte contre les violences sexuelles mais surtout pour la dénonciation des cas de violences sexuelles. Cette initiative est en lien avec le thème de la journée internationale de la femme de cette année qui prône un monde digital et numérique inclusif pour favoriser l’égalité des sexes.

Doudou Kajangu

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