Grand-Popo, octobre 2025 , Docteur Adjoavi (non d'emprunt) fixe l'écran devant elle. Le tableau de bord numérique retrace le parcours d'une mère qu'elle n'a pas pu sauver trois mois plus tôt. Mais cette fois, personne ne la juge. Le système lui montre où l'ensemble de la chaîne de soins a failli et surtout, comment éviter que cela se reproduise. C'est la promesse d' eQuapitalise , la plateforme numérique finalisée lors d'un atelier décisif les 30-31 octobre à Grand-Popo, fruit du partenariat entre le CERRHUD et l'Agence belge de coopération internationale « Enabel » à travers le projet Programme d'appui à la santé sexuelle et reproductive et à l'information sanitaire P@SRIS II. Le problème : des audits qui paralysent au lieu de sauverAu Bénin, chaque décès maternel ou néonatal déclenche théoriquement un audit. Dans la réalité, c’est souvent une chasse au coupable. « On cherche la sage-femme de garde, le médecin absent, l'erreur individuelle », confie Mme Gyslaine, sage-femme rencontrée au centre de santé d'Akassato dans le département de l'Atlantique. « Puis on range le rapport dans un tiroir. Les mêmes dysfonctionnements se répètent, mais les équipes ont été informées à se taire. », a-t-elle indiqué. Résultat ? Une culture du silence où les leçons ne sont jamais vraiment tirées. Les ruptures de stock persistantes. Les protocoles défaillants restent en place. Et derrière chaque statistique, des drames humains qui auraient pu être évités.
La solution : une révolution systémique et numérique
eQuapitalise digitalise la méthodologie de la « Revue à Haut Impact », une approche qui change radicalement la donne. Au lieu de chercher un coupable, elle analyse le système dans son ensemble : disponibilité des ambulances, gestion des stocks de médicaments, communication inter-services, compétences du personnel. L'innovation majeure avec cette plateforme, est qu'elle ne se concentre pas uniquement sur les échecs. Elle capitalise aussi les succès. Une sage-femme qui a brillamment géré une hémorragie, son protocole devient une référence partagée. Un centre de santé sans rupture de stock, son système de gestion inspire les autres
La plateforme offre trois avancées décisives :
- une analyse systémique : chaque cas critique est décoré pour identifier les maillons faibles de toute la chaîne de soins, du village à l'hôpital régional;
- la capitalisation des bonnes pratiques : pour la première fois, les réussites sont documentées avec autant de rigueur que les échecs et transformés en modules de formation.
- la redevabilité sans punition : les données sont anonymisées au niveau individuel mais agrégées institutionnellement, permettant d'améliorer le système sans stigmatiser les personnes.
L'impact : chaque leçon sauve des vies
Pour les soignants, fini la peur de l'audit. Place à un système qui les accompagne, les forme en continu et valorise leurs réussites. Pour les gestionnaires, c'est un outil de pilotage en temps réel qui permet d'anticiper les crises, d'allouer les ressources efficacement et de prendre des décisions basées sur des données fiables. Pour les familles béninoises, c'est l'espoir concret que chaque accouchement se déroule dans les meilleures conditions, que chaque mère et chaque nouveau-né bénéficie de soins de qualité.
« Notre ambition est claire », explique Wilfried NASSARA, expert Digitalisation et Santé au projet P@SRIS II. Selon lui, cette plateforme permettra de transformer chaque décès évitable en une leçon qui sauve des vies. Ce qui implique désormais de Passer d'une logique punitive à un apprentissage continu., at-il ajouté. Porté par Enabel, P@SRIS II fait du numérique un levier d'équité et d'efficacité dans le système de santé béninois. De la télémédecine à la gestion électronique des dossiers patients, chaque innovation technologique est pensée pour servir d'abord à ceux qui en ont le plus besoin.
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