Renforcer l'éducation à la santé sexuelle dans le Borgou : une dynamique locale en marche

  • Renforcer l'éducation à la santé sexuelle dans le Borgou : une dynamique locale en marche

Dans la cour du CEG Guêma, 4 400 élèves se croisent chaque jour. Parmi eux, six jeunes filles ont vu leur scolarité interrompue en 2023 par une grossesse précoce. Enseignante depuis quinze ans au CEG Guêma, Madame Sanni a vu trop de jeunes filles quitter les bancs de l'école, le ventre rond et les rêves en suspens.  Une réalité qui se répète dans les dix collèges de Parakou et N'Dali. Mais depuis juin 2025, quelque chose change : enseignants, parents, élèves et autorités locales ont décidé d'agir ensemble.

Les 24 et 25 juin 2025, plus de 35 acteurs du Borgou se sont réunis à Parakou. Autour de la table : des enseignants fatigués de voir leurs élèves abandonner l'école, des parents inquiets mais parfois démunis face aux questions de leurs enfants, des directeurs d'établissement cherchant des solutions concrètes, et des jeunes réclamant une éducation qui leur parle vraiment. Organisée par Enabel et l'Institut National d'Ingénierie de Formation et de Renforcement des Capacités des Formateurs (INIFRCF), cette session n'était pas une simple réunion de plus. C'était une invitation à co-construire une réponse collective à un défi majeur : comment permettre aux adolescents du Borgou de grandir en sécurité, informés de leurs droits sexuels et reproductifs, capables de faire des choix éclairés ?

Une approche qui rompt avec les habitudes
Fini les cours magistraux descendants et mal à l'aise. Place à une approche hybride qui combine formation en ligne via une plateforme numérique développée par l'INIFRCF, et accompagnement humain sur le terrain. Les enseignants ne seront plus seuls : des tuteurs locaux les soutiendront, et des comités de veille seront créés dans chaque établissement. Mais la vraie innovation, c'est d'avoir compris qu'on ne peut pas parler de santé sexuelle aux jeunes sans impliquer tout leur écosystème. Des « écoles des parents » verront le jour pour accompagner les familles. Des outils ludiques tels que le forum théâtre, les podcasts, l'application CareX permettront aux adolescents d'explorer ces sujets sans tabou. Et les communautés, via des partenaires comme Terres Rouges Bénin et l'ABPF, seront mobilisées pour que le dialogue intergénérationnel devienne possible. « Pour la première fois, j'ai senti qu'on ne me demandait pas seulement de transmettre un programme. On m'a donné les moyens d'agir : une plateforme de formation en ligne que je peux à mon rythme, un tuteur local pour m'accompagner, des outils concrets pour parler aux jeunes sans tabou », a confié Madame Sanni.
L'Application CareX, les podcasts, théâtre forum créé par les élèves, les comités de veille associés parents et jeunes : le projet P@SRIS-2 déploie une panoplie d'approches pour que l'éducation sexuelle ne soit plus un cours gênant donné du bout des lèvres,mais un espace de dialogue, de respect et de droits. «Mes élèves ne veulent pas qu'on leur fasse la morale. Ils veulent des réponses claires, des informations fiables, et surtout : être écoutés. C'est exactement ce que ces outils permettent », explique Madame Sanni.

48 grossesses en 2023 : un chiffre à transformer en espoir
Dans les dix collèges pilotes sélectionnés, 48 ​​grossesses précoces ont été enregistrées en 2023. Derrière chaque chiffre, une trajectoire brisée, un rêve suspendu. L'objectif du projet P@SRIS-2en collaboration avec les Ministères de la santé, des Affaires Sociales et de la Microfinance est clair : réduire drastiquement ce nombre d'ici 2027, tout en renforçant les compétences de vie de milliers d'adolescents. Le CEG Guêma, avec ses 6 cas, devient un symbole. Non pas de l'échec, mais du potentiel de transformation. Car c'est là, dans ces établissements où les défis sont les plus grands, que l'impact peut être le plus profond. Le défi est immense, l'ambition à la hauteur. D'ici 2027, le projet vise à réduire drastiquement le nombre de grossesses précoces tout en renforçant les compétences de vie de milliers d'adolescents du Borgou. Madame Sanni, elle, s'est fixé un objectif plus personnel : « Je veux que mes élèves de cette année arrivent en terminale. Toutes. Sans interruption. Avec leurs rêves intacts ». Et pour la première fois depuis longtemps, elle y croit vraiment.

Une promesse qui se construit jour après jour
Les parents ont peur d'aborder ces questions. Ils pensent que parler de sexualité, c'est encourager les jeunes à passer à l'acte. Mais c'est l'inverse : c'est le silence qui tue », résume un participant de l'atelier. « Cette fois, nous ne laissons personne de côté. Parents, enseignants, élèves scolarisés et non-scolarisés, leaders communautaires : tous ont leur place dans cette dynamique. L'Éducation à la Santé Sexuelle ne sera plus un sujet technique réservé aux spécialistes, mais un levier de dialogue, de dignité et de droit. À Parakou, un collectif dynamique est en marche. Portée par des enseignants comme Madame Sanni, des parents qui osent briser le silence, des jeunes qui réclament leurs droits, et des institutions qui mettent les moyens.L'éducation à la santé sexuelle n'est plus un sujet technique. C'est devenu une promesse : celle d'un avenir où chaque adolescent du Borgou pourra choisir sa vie, en toute connaissance de cause. 

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