Stephanie EECKMAN | 02/09/2016
Au milieu des vastes étendues de champs de mil qui
tapissent la région de Dosso, apparait un coin de verdure: le site maraicher de
Tounga Hassada. En effet, la région de Dosso est aride, mais dispose d'un
important potentiel d'irrigation: la nappe phréatique des vallées fossiles des
dallols est peu profonde. Pourtant, plusieurs contraintes d'exploitation sont
difficiles à surmonter pour les
producteurs Dossolais: le captage et la distribution de l'eau dans les
parcelles, le faible accès aux intrants agricoles et la maitrise partielle des
techniques de production et d’irrigation.
Cette précarité
débouche une pauvreté généralisée et une insécurité alimentaire chronique. En
effet, la proportion de personnes en insécurité alimentaire peut atteindre
jusqu’à 80%. Face à cette situation, le Programme d’Appui à la Mise en Place
des Entités Décentralisés dans la Région de Dosso, Phase 2 (PAMED2) s’est
mobilisé et à ciblé plus de 625.136 personnes parmi les plus vulnérables. L’objectif du PAMED2 est de contribuer à la sécurité
alimentaire en renforçant la gouvernance locale dans un contexte de jeune
décentralisation. En effet, la mise en œuvre du programme repose sur une
responsabilisation des communes dans leur rôle de coordinateur du développement
local et de fournisseur de services publics de proximité. Ce sont les communes
qui définissent les projets de terrain à financer, qui en assument la maîtrise
d’ouvrage et qui sont chargées de leur bonne utilisation.
Le cas des sites
maraîchers dans la commune de Douméga illustrent que des paysans pauvres
peuvent accroître leur potentiel de productivité quand de bonnes politiques et
pratiques sont mises en place. En effet, le maraichage joue un rôle important
sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle de la commune depuis 2012. Avec
l’appui du PAMED2, elle investit dans l’aménagement des terres agricoles au
profit des couches vulnérables (puits cimentés, clôture en grillage,
motopompes,…).
Bien que le maraîchage
n’est pas exceptionnel au Niger, le fait que les maraichers à Douméga prévoient
de continuer leur activité durant la saison des pluies (juin à septembre) l’est
certainement, car la majorité des producteurs nigériens abandonnent le
maraichage pour se concentrer essentiellement sur la culture du mil. Cet exemple d’accès à long
terme à la terre sur ces sites, marque la volonté des propriétaires fonciers et
des chefs de village; soucieux du bien-être de leurs communautés. « Ici, on a montré aux propriétaires des terres qu’en
pratiquant les cultures de contre-saison durant la campagne pluvieuse, ils
pouvaient augmenter considérablement leurs propres revenus agricoles. Cette
pratique a permis de convaincre certains propriétaires fonciers d’accepter à faire une donation de terres destinées à
l’aménagement au profit des vulnérables. Ces propriétaires fonciers terriens
volontaires ont bénéficié d’appuis en intrants et en petits matériels agricoles
afin d’essayer de pratiquer les cultures maraîchères en saison des pluies. Dans
ce cas, les propriétaires restent eux-mêmes installés sur une partie du site
aménagé et bénéficient donc du même encadrement fourni aux maraîchers par le
PAMED2. », nous explique Oumarou
Chérif, maire de Douméga. « Changer
soi-même peut être difficile, mais inculquer le changement aux autres est un
véritable défi. Le savoir seul ne suffit pas : la formation, les bonnes
pratiques doivent être adoptées localement et démontrer leurs avantages
tangibles. Le savoir convaincu par l’exemple sont les meilleurs arguments pour
que les paysans transforment le savoir en initiatives concrètes».
Pour Oumarou Emana, secrétaire
général du site de Tounga Hassada, la pratique de culture de contre saison est
une activité génératrice de revenus. « Je
fais le maraîchage depuis l’installation de ce site. Je cultive de la salade,
des tomates, des poivrons, des oignions et des pastèques. Mais c’est surtout la
pastèque qui rapporte l’essentiel de nos revenus. Par récolte, cela peut nous
rapporter 60.000 à 100.000FCFA par personne. Les ressources tirées de cette
activité permettent de financer les études de nos enfants; d’acheter des
animaux pour faire l’embouche, de satisfaire les besoins quotidiens : de
manger, de se soigner en cas de maladie
et d’aider certains membres de la famille »
L’assimilation
du savoir se fait par l’appropriation.
Savoir, c’est pouvoir. Le savoir est donc capital pour
susciter le changement. Cependant, ce n’est que lorsque tous les acteurs
concernés – l’exécutif communal, les agents des services techniques, les chefs
coutumiers, les producteurs/productrices et les propriétaires des terres
privées- deviennent acteurs du changement que ce dernier s’opère réellement.
C’est pourquoi ils doivent tous s’approprier les
compétences et bonnes pratiques. Avant tout, les formations et bonnes pratiques
doivent répondre à de réels besoins. Les communes sont bien placées pour
définir les besoins de formation et les communiquer, mais l’implication de tous
les acteurs dans la dissémination est un atout pour l’appropriation mais aussi
pour la diffusion à grande échelle et à bas cout.
La réussite à Douméga tient à la capacité de
la mairie à réunir tous les acteurs autour de décisions prises en commun, mais
également à la pertinence de ses interventions et leur adoption par les
propriétaires des terres et des producteurs. «L'expérience de notre commune en matière de promotion des filières
agricoles sera capitalisée à travers des visites de terrain. Cela permettra de
sensibiliser les autres maires pour qu'ils appuient davantage le développement
agricole en faisant des investissements qui rapportent aux communes et
améliorent les revenus des producteurs, et donc le développement économique et
social de la commune» nous dit Oumarou Chérif, démontrant ainsi sa volonté de soutenir ce changement auprès des autres
communes dans la région.
En comprenant les besoins partages par une
grande partie de la population, il est possible de proposer des actions qui
conviennent à tous et qui peuvent être répliquées. Cela apporte des économies
d’échelle, réunit une communauté d’individus partageant une expérience
collective et formant une masse critique d’ambassadeurs du projet. Enfin, cette
approche rend plus visibles et comparables les changements apportés à la
population, ce qui soutient également la dynamique de la redevabilité de la
commune face à ses investissements communaux. C’est
dans cette optique que, au mois de septembre, le PAMED2 organisera, en collaboration avec la
Coordination Régionale de l’Initiative 3N, la Chambre Régionale d’Agriculture et
la Direction Régionale de l’Agriculture, un voyage d’étude au
profit des producteurs et propriétaires terriens des sites réalisés dans le
cadre du Fonds de Développement Communal.
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Niger NER1003011