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Burundi: Entretien avec le Pr. Jef Van Den Ende sur la digitalisation de la stratégie plainte traitement

  • La digitalisation de la Stratégie Plainte Traitement (SPT) - Entretien avec Prof. Jef Van Den Ende


Dans un but d’amélioration de la qualité des soins de santé au Burundi, le Ministère de la Santé Publique et de la Lutte contre le Sida (MSPLS) a décidé de mettre en place des outils support au diagnostic et au traitement pour les personnels des niveaux décentralisés.

La « Stratégie Plainte-Traitement » (SPT) est un de ces outils qui aide l’infirmier à partir des plaintes du malade à cibler le traitement. L’introduction de ces outils a été faite dans les années 2010. Ils fonctionnent sur la base d’algorithmes.

L’objectif des SPT est de réduire les situations d’incertitude face à la prise de décision médicale en rationalisant la prise en charge des soucis de santé de manière efficace et efficiente, en augmentant les taux de guérison, en diminuant les coûts des soins et en accélérant les références justifiées.

Jusqu’à présent, les SPT se présentaient sous la forme de guides papiers, très volumineux et très encombrants. Dans le cadre du projet Résilience (Twiteho Amagara, financé par l’Union européenne) le consortium Enabel, représenté par Enabel, a décidé de mettre en place, dans ses cinq provinces d’intervention, un projet pilote de digitalisation de ces SPT. Cela signifie que les algorithmes utilisés au niveau des guides papiers ont été retranscrits en code afin de créer une version digitalisée et une application mobile beaucoup plus faciles à manœuvrer.

Afin de mieux comprendre les enjeux et les objectifs de cette digitalisation pour le projet Twiteho Amagara, nous avons interrogé le professeur Jef Van den Ende, médecin interniste spécialiste en épidémiologie clinique, en intelligence artificielle ainsi qu’en développement de logiciels de formation.
Il est à présent professeur invité au sein de plusieurs universités à travers le monde. Il possède également de nombreuses expériences dans d’autres pays de la sous-région (il a notamment exercé durant six années à l’Hôpital de Dungu au Haut Zaïre et durant trois années au Centre Hospitalier Universitaire de Kigali au Rwanda).  

Selon vous Jef, quel est l’objectif de la digitalisation des SPT, en comparaison à la version papier ?

« L’objectif principal de la digitalisation est d’obliger le prestataire à suivre méticuleusement un chemin diagnostique qui mène à une décision bien fondée. Dans la version papier il n’était pas clair qu’il fallait avant tout – avec quelques questions bien ciblées – exclure les maladies graves et traitables avant d’aller plus loin. Personne que j’ai interrogé n’avait compris ce pas indispensable. Dans un algorithme informatisé on ne peut progresser avant d’avoir répondu à ces questions fondamentales ».  

Est-ce que cette version digitalisée est bien acceptée par les prestataires et les patients ?

  
« Le problème que posent les SPT « papier » est qu’elles ne sont pas suffisamment utilisées par les prestataires. La raison principale à cela est la confiance. En effet, si un patient aperçoit un prestataire qui consulte des documents papiers pour arriver à une solution thérapeutique, il va penser que ce dernier est incompétent et donc perdra toute confiance en lui. Avec les tablettes digitales, le patient a la sensation que le prestataire ne fait que remplir le dossier médical, ce qui le rassure. De plus, la tablette en soi aurait un effet ‘magique’ : dans certains cas, le patient se sent guidé par une main presque surnaturelle. Du côté prestataire il y a une certaine réticence, parce qu’ils soulignent qu’il y a beaucoup trop d’issues « il faut référer le patient ». De plus, ils ont la sensation de ne plus être considérés comme des « médecins ». Mais en dépit de ces réserves, nous nous attendons quand même à ce qu’au moins la moitié des patients soient consultés à l’aide des SPT digitalisés après leur mise en place ».  

Quels est le rôle de votre mission ici ?

« Mon rôle est de former les formateurs, à savoir les équipes cadres des districts sanitaires et du MSPLS qui eux-mêmes vont former leurs équipes à savoir les prestataires des centres de santé (CDS). Je souhaite également leur transmettre la logique derrière les SPT, mon objectif n’est pas seulement de leur enseigner à utiliser l’application, mais aussi à analyser la manière dont celle-ci a été construite. Les notions principales à comprendre sont celles des pouvoirs de confirmation et d’exclusion d’une réponse à une question. Par exemple, si nous voulons exclure une pathologie grave et traitable, il faudra un nœud avec un fort pouvoir d’exclusion, un symptôme quasi ‘nécessaire’. Il est également important de ne pas hésiter à référer : il s’agit d’un concept fondamental dans l’approche algorithmique des décisions médicales. Dans de nombreux cas, l’état du patient s’est spontanément amélioré lorsqu’il arrivait à l’hôpital, ou la situation a été estimée plus grave qu’elle ne l’était en réalité. Cependant, cela ne veut pas dire que la décision de référer, prise à la base d’un symptôme d’alarme, était erronée : elle était bien justifiée. Tant pour les formateurs que pour les prestataires, réaliser que si une référence peut s’avérer inutile en fin de compte, ne veut pas dire qu’elle n’était pas justifiée au départ. Il s’agit d’un aspect fondamental dans la logique de décision médicale, qui explique l’apparent excès de références dans le logiciel ».  

Quel(s) résultat(s) souhaitez-vous atteindre au travers de cette activité ?


« Le principal résultat qui est attendu de cette formation est le développement de qualités de formateurs chez les participants. Outre la maîtrise du matériel et du logiciel, je souhaiterais que les personnes formées puissent reprendre les différentes techniques interactives d’andragogie et d’animation que je leur ai enseignées tout au long de la semaine. Ceci participe à leur autonomie ».

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