Un savoir-faire pour un changement de comportement

  • Un savoir-faire pour un changement de comportement

Au milieu des vastes étendues de champs de mil qui tapissent la région de Dosso, apparait un coin de verdure: le site maraicher de Tounga Hassada. En effet, la région de Dosso est aride, mais dispose d'un important potentiel d'irrigation: la nappe phréatique des vallées fossiles des dallols est peu profonde. Pourtant, plusieurs contraintes d'exploitation sont difficiles à surmonter  pour les producteurs Dossolais: le captage et la distribution de l'eau dans les parcelles, le faible accès aux intrants agricoles et la maitrise partielle des techniques de production et d’irrigation.  

Cette précarité débouche une pauvreté généralisée et une insécurité alimentaire chronique. En effet, la proportion de personnes en insécurité alimentaire peut atteindre jusqu’à 80%. Face à cette situation, le Programme d’Appui à la Mise en Place des Entités Décentralisés dans la Région de Dosso, Phase 2 (PAMED2) s’est mobilisé et à ciblé plus de 625.136 personnes parmi les plus vulnérables. L’objectif du PAMED2 est de contribuer à la sécurité alimentaire en renforçant la gouvernance locale dans un contexte de jeune décentralisation. En effet, la mise en œuvre du programme repose sur une responsabilisation des communes dans leur rôle de coordinateur du développement local et de fournisseur de services publics de proximité. Ce sont les communes qui définissent les projets de terrain à financer, qui en assument la maîtrise d’ouvrage et qui sont chargées de leur bonne utilisation.   Le cas des sites maraîchers dans la commune de Douméga illustrent que des paysans pauvres peuvent accroître leur potentiel de productivité quand de bonnes politiques et pratiques sont mises en place. En effet, le maraichage joue un rôle important sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle de la commune depuis 2012. Avec l’appui du PAMED2, elle investit dans l’aménagement des terres agricoles au profit des couches vulnérables (puits cimentés, clôture en grillage, motopompes,…).  

Bien que le maraîchage n’est pas exceptionnel au Niger, le fait que les maraichers à Douméga prévoient de continuer leur activité durant la saison des pluies (juin à septembre) l’est certainement, car la majorité des producteurs nigériens abandonnent le maraichage pour se concentrer essentiellement sur la culture du mil. Cet exemple d’accès à long terme à la terre sur ces sites, marque la volonté des propriétaires fonciers et des chefs de village; soucieux du bien-être de leurs communautés. « Ici, on a montré aux propriétaires des terres qu’en pratiquant les cultures de contre-saison durant la campagne pluvieuse, ils pouvaient augmenter considérablement leurs propres revenus agricoles. Cette pratique a permis de convaincre certains propriétaires fonciers d’accepter  à faire une donation de terres destinées à l’aménagement au profit des vulnérables. Ces propriétaires fonciers terriens volontaires ont bénéficié d’appuis en intrants et en petits matériels agricoles afin d’essayer de pratiquer les cultures maraîchères en saison des pluies. Dans ce cas, les propriétaires restent eux-mêmes installés sur une partie du site aménagé et bénéficient donc du même encadrement fourni aux maraîchers par le PAMED2. », nous explique Oumarou Chérif, maire de Douméga. « Changer soi-même peut être difficile, mais inculquer le changement aux autres est un véritable défi. Le savoir seul ne suffit pas : la formation, les bonnes pratiques doivent être adoptées localement et démontrer leurs avantages tangibles. Le savoir convaincu par l’exemple sont les meilleurs arguments pour que les paysans transforment le savoir en initiatives concrètes».  

Pour Oumarou Emana, secrétaire général du site de Tounga Hassada, la pratique de culture de contre saison est une activité génératrice de revenus. « Je fais le maraîchage depuis l’installation de ce site. Je cultive de la salade, des tomates, des poivrons, des oignions et des pastèques. Mais c’est surtout la pastèque qui rapporte l’essentiel de nos revenus. Par récolte, cela peut nous rapporter 60.000 à 100.000FCFA par personne. Les ressources tirées de cette activité permettent de financer les études de nos enfants; d’acheter des animaux pour faire l’embouche, de satisfaire les besoins quotidiens : de manger, de se soigner en cas de maladie  et d’aider certains membres de la famille »  

L’assimilation du savoir se fait par l’appropriation.

Savoir, c’est pouvoir. Le savoir est donc capital pour susciter le changement. Cependant, ce n’est que lorsque tous les acteurs concernés – l’exécutif communal, les agents des services techniques, les chefs coutumiers, les producteurs/productrices et les propriétaires des terres privées- deviennent acteurs du changement que ce dernier s’opère réellement.  

C’est pourquoi ils doivent tous s’approprier les compétences et bonnes pratiques. Avant tout, les formations et bonnes pratiques doivent répondre à de réels besoins. Les communes sont bien placées pour définir les besoins de formation et les communiquer, mais l’implication de tous les acteurs dans la dissémination est un atout pour l’appropriation mais aussi pour la diffusion à grande échelle et à bas cout.  

La réussite à Douméga tient à la capacité de la mairie à réunir tous les acteurs autour de décisions prises en commun, mais également à la pertinence de ses interventions et leur adoption par les propriétaires des terres et des producteurs. «L'expérience de notre commune en matière de promotion des filières agricoles sera capitalisée à travers des visites de terrain. Cela permettra de sensibiliser les autres maires pour qu'ils appuient davantage le développement agricole en faisant des investissements qui rapportent aux communes et améliorent les revenus des producteurs, et donc le développement économique et social de la commune» nous dit Oumarou Chérif, démontrant ainsi sa volonté de soutenir ce changement auprès des autres communes dans la région.  

En comprenant les besoins partages par une grande partie de la population, il est possible de proposer des actions qui conviennent à tous et qui peuvent être répliquées. Cela apporte des économies d’échelle, réunit une communauté d’individus partageant une expérience collective et formant une masse critique d’ambassadeurs du projet. Enfin, cette approche rend plus visibles et comparables les changements apportés à la population, ce qui soutient également la dynamique de la redevabilité de la commune face à ses investissements communaux. 

C’est dans cette optique que, au mois de septembre, le PAMED2 organisera, en collaboration avec la Coordination Régionale de l’Initiative 3N, la Chambre Régionale d’Agriculture et la Direction Régionale de l’Agriculture, un voyage d’étude au profit des producteurs et propriétaires terriens des sites réalisés dans le cadre du Fonds de Développement Communal. 

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