L'histoire d'une transformation communautaire à Parakou et N'dali

  • L'histoire d'une transformation communautaire à Parakou et N'dali

Dans les villages de Parakou et N'dali, au nord du Bénin, les chiffres parlent d'eux-mêmes. Les violences basées sur le genre frappent silencieusement, jour après jour. Les femmes hésitent à utiliser la contraception, souvent par crainte du regard ou de la réaction de leur conjoint. Les tensions conjugales éclatent, parfois violemment. Et dans cette spirale, ce sont des familles entières qui souffrent. Face à cette réalité, une question s'impose : comment briser ce cycle ? La réponse du projet P@SRIS II d'Enabel en collaboration avec le ministère de la santé est aussi audacieuse qu'innovante : impliquer les hommes comme alliés du changement, et non les pointeurs comme seuls responsables.
Une double stratégie au cœur des communautésLoin des bureaux climatisés, c'est sur le terrain, au plus près des réalités villageoises, que P@SRIS II a déployé une approche inédite. Après un diagnostic minutieux révélant 31 villages marqués par une récurrence inquiétante de violences basées sur le genre et 10 autres où la contraception reste taboue, le projet a mis en place deux dispositifs complémentaires. D'un côté, 31 comités de veille VBG se sont constitués. Composés d'hommes et de femmes de la communauté, ces sentinelles du quotidien ont pour mission de détecter les signaux d'alerte, d'accompagner les victimes, de faciliter les médiations et d'orienter les cas vers les structures compétentes. Ils sont les yeux et les oreilles qui veillent, les mains qui soutiennent. De l'autre, 10 Clubs des Hommes et Femmes Modèles ont vu le jour. Leur raison d'être ? Promouvoir une masculinité positive, celle qui célèbre la force dans l'empathie, le courage dans la vulnérabilité, et la virilité dans le respect. Ces clubs deviennent des espaces de dialogue où les hommes apprennent à déconstruire les stéréotypes qui les enferment autant qu'ils oppriment leurs compagnes.
Former pour transformer
163 acteurs du changement, 93 membres de comités de veille et 70 ambassadeurs de la masculinité positive ont été formés et outillés. Mais ces formations vont bien au-delà de la simple transmission de connaissances techniques. Dans les salles de formation, les discussions ont été intenses, parfois inconfortables. Des hommes ont partagé comment ils ont grandi avec l'idée qu'un "vrai homme" ne pleure pas, ne consulte pas sa femme sur les décisions familiales, et impose sa volonté. Des femmes ont raconté les violences silencieuses qu'elles endurent, mais aussi leur espoir de voir leurs fils grandir différemment. Ces échanges ont permis de comprendre que les violences basées sur le genre ne sont pas une fatalité culturelle, mais le produit de normes sociales qui peuvent et doivent évoluer. Les participants ont découvert qu'ils peuvent être des modèles alternatifs dans leurs communautés, des voix qui portent un autre récit de ce que signifie être un homme ou une femme au XXIe siècle.

Une vision convergente pour les Objectifs de Développement DurableCette initiative s'inscrit dans l'ambition partagée par Enabel et le gouvernement béninois d'accélérer l'atteinte des ODD liés à la santé, au bien-être et à l'égalité des sexes. Alors que nous sommes à mi-parcours de l'Agenda 2030, les défis persistants : accès limité à la contraception, qualité des soins inégale, violences encore trop souvent banalisées. Mais P@SRIS II ne se contente pas de constater. Le projet pose un acte de foi dans la capacité des communautés à se transformer de l'intérieur, quand elles sont soutenues et outillées. Il reconnaît que les droits sexuels et reproductifs ne peuvent progresser sans l'adhésion et l'engagement actif des hommes.
Le rôle central des hommes : de spectateurs à acteursPourquoi impliquer les hommes ? Parce que l'égalité de genre n'est pas une affaire de femmes. Parce que les hommes sont aussi prisonniers de modèles de masculinité toxiques qui les coupent de leurs émotions, de leurs proches, de leur humanité. Parce qu'ils peuvent être, et sont déjà des pères, des époux, des frères qui veulent mieux pour leurs filles, leurs compagnes, leurs sœurs. Dans les villages de Parakou et N'dali, des hommes commencent à parler autrement. Ils acceptent que leurs épouses utilisent la contraception. Ils participent aux tâches ménagères. Ils s'interviennent quand un voisin lève la main sur sa femme. Ils deviennent des modèles de masculinité positive, celle qui protège sans dominer, qui aime sans posséder, qui guide sans imposer. Les graines du changement sont plantées.

Dans deux mois, les équipes de P@SRIS II retourneront sur le terrain pour observer ces 163 acteurs en action : comment les comités de veille gèrent-ils les cas de violences ? Les modèles de clubs d'hommes et de femmes arrivent-ils à influencer les normes sociales dans leurs villages ? Quels obstacles rencontrent-ils ? Cette supervision ne sera pas un simple contrôle, mais un moment d'apprentissage mutuel, d'ajustement des stratégies et de célébration des premières victoires. Car chaque homme qui refuse la violence, chaque femme qui accède à la contraception sans crainte, chaque enfant qui grandit dans un foyer plus égalitaire est une victoire.
Une transformation qui commence dans les cœursL'histoire de ces changements à Parakou et N'dali nous rappelle une vérité essentielle : le changement social ne se décrète pas, il se construit patiemment, pas à pas, dans les conversations entre voisins, dans les décisions familiales, dans les gestes du quotidien.En mettant sur la masculinité positive et en structurant des dispositifs communautaires de veille, le projet fait le pari audacieux que les communautés elles-mêmes détiennent les clés de leur émancipation. Il ne s'agit pas d'imposer des valeurs extérieures, mais d'accompagner l'émergence de nouvelles normes, plus justes, plus humaines, plus durables. Parce que lutter contre les violences basées sur le genre, c'est aussi libérer les hommes des carcans qui les étouffent. C'est leur offrir la possibilité d'être pleinement humains, vulnérables, aimants, responsables. C'est construire ensemble une société où personne ne doit choisir entre son identité et sa dignité.

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