Écouter les femmes pour reconstruire le soin : une approche palliative au Bénin
« Si la douleur était un animal, ce serait quoi ? ». C'est la question que nous avons posée à notre équipe avant de partir en mission. La réponse est venue sans hésitation : « Un scorpion petit, mais quand il pique, ça brûle tout ».
Cette image (Image 1) nous a accompagnés tout au long de notre mission, alors que nous écoutions les récits de femmes vivantes avec le cancer au Bénin. Des femmes qui caractérisent une douleur si vive qu'elles supplient pour une amputation, une souffrance si constante qu'elle vole le sommeil, la force, l'identité. Au Bénin, les soins palliatifs ne sont pas synonymes de fin de vie. Ils représentent souvent la seule forme de soin accessible, une porte d'entrée vers un système de santé plus humain, plus digne.
Ce que nous avons entenduDans le cadre d'une recherche-action participative menée avec le Programme National de Soins Palliatifs (PNSP) et en lien avec la Plateforme Nationale des Usagers des Services de Santé (PNUSS) , nous avons documenté les parcours des femmes vivantes avec un cancer. À travers des entretiens et la méthode Photovoice, elles ont partagé leurs mots, leurs images, leur réalité : douleurs, courage, isolement, mais aussi espoir et résilience. Une femme dans le Couffo a vécu huit années d'errance médicale, partie d'un simple mal au pouce. Elle a perdu deux doigts, son mari, puis l'usage de son bras avant d'apprendre qu'il s'agissait d'un cancer du sein. Une autre, après quatorze ans de consultations, a tout vendu pour se soigner sans jamais recevoir de diagnostic clair.
« Rien que le fait que vous soyez venus m'écouter me réchauffer le cœur », nous a dit l'une d'elles. Une approche béninoise des soins palliatifs Au Bénin, les soins palliatifs sont bien plus qu'un accompagnement de fin de vie. Ils deviennent souvent le premier et unique soin accessible aux personnes atteintes de maladies graves, sans moyens financiers. Les équipes du PNSP apportent : - d' es médicaments antalgiques - morphine (quand disponibles), - une formation aux pansements et à l'autogestion, - un suivi psychosocial et émotionnel, - une présence continue, même dans les zones reculées.
Le rôle d'Enabel : structurant et stratégique Depuis 2018, Enabel appuie le ministère de la Santé pour consolider cette approche :
- Création d'un laboratoire national de production de morphine orale au CNHU-HKM ;
- Mise en place du premier master en soins palliatifs à Parakou (avec l'AFD, 40 professionnels·les formés) ;
- Déploiement d'équipes mobiles dans les zones à faible couverture
- D ocumentation des parcours de patients pour nourrir les politiques publiques et le plaidoyer.
Et le dépistage dans tout ça ?La prise en charge ne commence pas par la douleur. Elle commence par le dépistage précoce .
Enabel soutient déjà activement le dépistage du cancer du col de l'utérus dans plusieurs zones du pays. Mais face à l'absence de solution viable pour le dépistage du cancer du sein, nous explorons des pistes innovantes. C'est là qu'intervient AfriMeDD , un projet que nous accompagnons, qui développe une méthode de dépistage précoce par l'olfaction canine . Une solution accessible, adaptée aux réalités rurales, et prometteuse pour rapprocher le diagnostic des communautés.
Et maintenant ? Écouter, apprendre, agirCe travail est autant technique qu'humain. Avec le PNUSS , nous réfléchissons à mieux accompagner les patients dans le système, à renforcer les mécanismes de plaintes et à restaurer la confiance dans les services publics. Et à travers cette mission, nous avons réaffirmé une chose simple : Même quand on ne peut pas guérir, on peut toujours soigner.
Une leçon de dignitéLa pauvreté n'est pas une fatalité. C'est une construction sociale que nos systèmes peuvent déconstruire.
Les soins palliatifs nous montrent qu'on peut transformer un système non pas par la technologie, mais par la présence, l'écoute, la solidarité. Alors, la prochaine fois que l'on parle de « contextes à ressources faibles », rappelons-nous ceci :
Ce ne sont pas des systèmes pauvres, ce sont des systèmes trop peu écoutés.
Continuons d'écouter ! Continuons d'agir !
Pas d'actualité